Pour qui Sarkozy court-il ?

Arlette Laguiller, "Lutte ouvriere", N. 2032, 13 juillet 2007


Sarkozy n'en fait-il pas trop ? Voilà la question qui agite les milieux politiques, les commentateurs et les sondeurs d'opinion. Il est en effet partout et les caméras de télévision l'accompagnent. Il s'occupe des affaires en cours, en repoussant du coude les ministres concernés. Entre deux télégrammes de félicitations, l'un à Marion Bartoli parce que finaliste à Wimbledon, l'autre à Tony Parker pour son mariage, et un coup de fil à Poutine, il patronne la candidature du socialiste Strauss-Kahn à la présidence du FMI, avant de rendre visite au Tour de France.
Et voilà qu'il se rend en personne à la réunion des ministres des Finances de la « zone euro ». Ce qui serait une chose jamais vue, paraît-il !
Mais pourquoi, justement ?
Sarkozy va à Bruxelles, sa toute nouvelle écharpe présidentielle déployée, pour tenter de convaincre les représentants des autres pays qui ne sont que de vulgaires ministres des Finances que le déficit supplémentaire du budget, que les mesures fiscales promises pendant sa campagne allaient creuser, est légitime.
Une obscure affaire entre ministres des Finances, pourrait-on se dire. Malheureusement, elle concerne pleinement les classes pauvres. Le déficit du budget de l'État n'a pas été creusé pour avoir consacré trop d'argent aux services publics utiles à la population. Il ne vient pas d'une augmentation des dépenses en faveur de l'Éducation nationale, par exemple, puisque celle-ci s'apprête à supprimer 17 000 postes, avec toutes les conséquences que cela entraînera pour les écoles et les collèges des quartiers populaires. Il n'y a pas eu de dépenses excessives en faveur du système de santé puisque, au contraire, on va faire payer davantage les malades. Le déficit ne vient pas, non plus, d'avoir trop dépensé pour les transports publics car, pour une ligne TGV récemment inaugurée, combien de dessertes dites secondaires laissées à l'abandon ?
Non, le déficit de l'État est creusé en permanence par les « aides publiques » aux entreprises privées et par les réductions d'impôts pour les plus riches. Le fameux « paquet fiscal » de Sarkozy va encore augmenter les dépenses de l'État et diminuer ses recettes, les deux creusant le déficit. Certains des cadeaux, comme le « bouclier fiscal » qui réduit l'impôt maximum à payer, ne profiteront qu'aux 100 000 contribuables les plus riches. D'autres, comme la baisse des impôts sur les successions, concernent une part plus importante de la population mais, en valeur, certainement pas les plus pauvres.
Cela fait grogner à Bruxelles comme dans les autres États européens.
C'est une subvention déguisée aux seuls patrons français et cela fausse la concurrence. Oh, les États allemand, belge ou italien en font autant et aident leurs possédants tout comme l'État français ! Mais chacun veut favoriser sa propre bourgeoisie, et pas celle du voisin, même si ce sont bien souvent les mêmes. Or, si un déficit trop important de l'État français entraîne l'inflation de l'euro, cela revient à faire payer par l'ensemble des pays de la zone euro les aides à la bourgeoisie française.
Mais le déficit de l'État français ne préoccupe les autres États que pour autant qu'il nuit à leur propre bourgeoisie. Les dirigeants réunis à Bruxelles ne verront aucun inconvénient à ce que le gouvernement français réduise le déficit creusé au profit des plus riches en faisant payer encore plus les classes populaires.
Alors, que Sarkozy revienne en triomphateur d'avoir convaincu les ministres des Finances des autres pays des charmes de son « paquet fiscal » ou qu'il revienne sommé de réduire le déficit, pour nous, c'est pareil. De toute façon, c'est aux classes populaires qu'ils tenteront de faire payer le déficit creusé pour les riches. Dans le premier cas, un peu plus tard. Dans le second, un peu plus tôt. Du point de vue des possédants, c'est : « Pile, je gagne, face, tu perds ». Mais cela résume toute la politique du patronat telle qu'elle est mise en application par le gouvernement !